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VOYAGES

d’eau qui les arrose. Bientôt, sur les bords des torrents, on ne voit plus qu’une lisière de bois assez étroite ; on y trouve rarement des arbres de haute futaie. Dans le voisinage des ruisseaux, il ne croît guère que des buissons de saules, et là où l’eau manque, on chercherait en vain autre chose que de l’herbe ; encore ne se montre-t-elle que dans les plaines fertiles qui s’étendent de Westport jusqu’à la Plate. Cette liaison intime entre les eaux et les bois est sensible à tous les yeux. Nos bêtes de somme n’avaient pas cheminé huit jours dans ce désert, que déjà on les voyait, surtout quand la marche avait été longue, tressaillir et doubler le pas, à la vue des arbres qui s’élevaient dans le lointain. Cette rareté de bois dans les contrées de l’ouest, si contraire à ce qui se fait remarquer dans les autres parties de l’Amérique septentrionale, provient de deux causes principales : dans les plaines situées en deçà de la Plate, elle est le résultat de la coutume qu’ont les Indiens dans ces parages de brûler leurs prairies vers la fin de l’automne, pour avoir de meilleurs pâturages au retour du printemps ; et dans le Far West, où les sauvages se gardent bien d’agir ainsi, soit pour ne pas éloigner les animaux nécessaires à leur subsistance, soit pour ne pas se laisser découvrir par les partis ennemis, cette rareté de bois provient de la nature du sol. En effet le sol n’y est que sable et terre si légère, et partant si aride, qu’à l’ex-