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VOYAGES

métis iroquois, je m’embarquai sur le Missouri dans un canot ; car mon cheval, excédé de fatigue, était incapable de me porter plus loin. Les neiges et le froid, qui survinrent, remplirent le fleuve de glaçons qui, s’entre-choquant avec les chicots dont le fleuve est rempli, rendirent la navigation doublement dangereuse. Nous étions encore à 300 milles de Council-Bluffs, le premier établissement qu’on rencontre après le Vermillon, et dans une région où tous les foins des prairies et les herbes des forêts avaient été brûlés par les Indiens jusqu’aux bords du fleuve, et d’où par conséquent tous les animaux s’étaient retirés. Nous tuâmes cependant un beau chevreuil qui semblait embarrassé et se tenait immobile sur le bord de la rivière comme pour recevoir le coup mortel. Cinq fois nous fûmes sur le point de périr et d’être renversés contre les nombreux chicots au milieu desquels les glaçons nous entraînaient malgré tous nos efforts. Nous passâmes dix jours dans cette dangereuse et inquiétante navigation, dormant la nuit sur des bancs de sable et ne faisant que deux repas, le soir et le matin ; encore n’avions-nous pour toute nourriture que des patates gelées et un peu de viande fraîche. La nuit même de mon arrivée chez nos Pères à Council-Bluffs, le fleuve se ferma.

Ce serait en vain que j’essayerais de rendre ce que j’éprouvai en me retrouvant au milieu de mes frères, après avoir parcouru 2,000 lieues flaman-