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VOYAGES

butin à la guerre, en sorte qu’ils passent souvent d’une tribu à l’autre, à de très-grandes distances. Les chevaux que les Corbeaux possèdent sont tirés principalement des races marronnes des prairies ; ils en avaient cependant volé plusieurs aux Sioux, aux Sheyennes, et à quelques autres tribus du sud-ouest, qui elles-mêmes les avaient dérobés aux Espagnols dans leurs excursions sur le territoire mexicain. On considère les Corbeaux comme les plus infatigables maraudeurs des plaines, ils passent et repassent les montagnes en tous sens, emportant d’un côté ce qu’ils ont volé sur l’autre. C’est de là que leur vient le nom d’Abshâroke, qui signifie Corbeau. Dès leur enfance, ils s’exercent à ce genre de larcin ; ils y acquièrent une habileté étonnante ; leur gloire augmente avec le nombre de leurs captures ; aussi un voleur accompli est-il à leurs yeux un héros. Leur pays paraît s’étendre depuis les Côtes-Noires jusqu’aux montagnes Rocheuses, embrassant les montagnes de la Rivière-au-Vent, et toutes les plaines et vallées qu’arrosent ses eaux, ainsi que la Roche-Jaune, la Rivière-à-la-Poudre et les eaux supérieures de plusieurs branches de la Plate. Le sol et le climat de ce pays sont très-variés ; il y a de vastes plaines de sable et d’argile ; on y trouve des sources d’eau thermale, des mines de charbon ; le gibier y est partout très-abondant. Ce sont les plus beaux sauvages que j’ai rencontrés dans mes courses.

Je fis route pendant deux jours avec cette tribu