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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

dialité et nous donnèrent un grand festin. La conversation ait vraiment enjouée ; comme la langue des deux nations est différente, elle se fit par signes. Toutes les tribus de cette partie de l’Amérique sont disposées de même et s’entendent parfaitement. Bientôt les Corbeaux eurent envie d’acheter les beaux chevaux des Têtes-Plates. Voici comment un marché fut conclu sous mes yeux. Un jeune chef Corbeau, d’une taille gigantesque, et couvert de ses plus beaux vêtements, s’avança au milieu de l’assemblée en conduisant son cheval par la bride, et le plaçant devant le Tête-Plate, comme pour l’offrir en échange du sien. Celui-ci ne donnant aucun signe d’approbation, le Corbeau mit alors à ses pieds son fusil, ensuite son manteau d’écarlate, puis tous ses ornements les uns après les autres, puis ses guêtres encore, et enfin ses chaussures. Le Tête-Plate prit alors le cheval par la bride, ramassa les effets, et le marché fut fait sans dire mot. Le chef Corbeau, tout dépouillé qu’il était de son plumage éclatant et de ses beaux habits, s’élança avec joie sur son nouveau coursier ; il fit plusieurs fois à la course le tour du camp, jetant des cris de triomphe, et essayant le cheval dans toutes ses allures.

La richesse principale des sauvages de l’Ouest consiste en chevaux ; chaque chef et chaque guerrier en possède un grand nombre, qu’on voit paître par troupeaux autour de leur camp. Ils sont pour eux des objets de trafic en temps de paix, et de