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mythologiques s’enrichirent, et la vérité première se fondit en une masse de fables inconsistantes. Ainsi Wóden, Baeldaeg, Geát, Scyld, Sceáf et Beówa prirent place, quoique leur caractère fût légendaire, dans les généalogies royales : tour à tour Brutus, Aurelius Ambrosius, Uther Pendragon, Hengest, Hors et Vortigern furent cités parmi les personnages historiques : héros d’épopée, ils devinrent des rois et des guerriers, vivant, combattant et mourant sur le sol anglais.

Nous ignorons comment aucun événement historique ait pu être noté avec certitude, avant l’an 600 : il a pu y avoir des annales ; des poèmes ont pu voir le jour, mais tous ont été anéantis, sans laisser de trace. Encore ne peut-il y avoir lieu de regretter cette absence, pour la peinture des mœurs, et du développement du génie de ces peuples, car les rois, les princes, les héros seuls sont la matière de l’épopée. Ces poèmes sont essentiellement héroïques, célébrant les fondateurs quasi-divins des races, les fortunes de leurs belliqueux descendants, et non la lente évolution des peuples. L’épopée retentit des rumeurs des festins, et les armes brillantes, les gobelets d’or étincellent dans ses descriptions : là, les dieux se mêlent, en égaux, aux actions des hommes, poursuivent les mêmes desseins, sont animés des mêmes passions d’amour, de jalousie et de haine ; ou dieux devenus hommes, ils fondent des races vraiment royales, puisqu’elles procèdent de la divinité elle-même. Mais chaque race connaît peu les traditions des autres, et n’en a nul souci : les alliances et les guerres seules, les rapprochent entre elles : toute histoire produite en ces conditions, est nécessairement traditionnelle, épique et nationale : elle est toute imparfaite et inexacte, et il n’y a que les sources écrites d’auteurs contemporains et impartiaux, qui puissent la corriger et lui donner quelque degré de certitude.