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Que d’aimables discours, de madrigaux faciles ;
Combien de gais propos, de serments oubliés,
De chansons, de baisers, de doux récits futiles,
De silences divins, de regards épiés !

La fleur de marronnier jonchait les avenues ;
Le soleil caressait maint couple gracieux,
Et l’Amour, assiégeant le cœur des ingénues,
Favorisait souvent les plus audacieux.

Le rossignol caché, le soir, dans la charmille,
Mêlait sa voix si pure aux aveux enivrants ;
Et d’exquises odeurs de muguet, de jonquille,
Montaient, comme un encens, vers les beaux conquérants !

Mars, Pomone, Vénus, tous les dieux et déesses,
De leurs blancs piédestaux souriaient à ces jeux,
Se moquant des barbons, protégeant les duchesses
Vives, tendres ; l’œil fier, teint rose et sein neigeux.

On s’égarait parfois dans le frais labyrinthe
Dont les étroits sentiers s’effacent aujourd’hui ;
Nul de ces jolis pieds n’a laissé son empreinte :
Les rêves, les amants, hélas ! tout s’est enfui !

Au centre du jardin s’élève une statue
Qu’un grand maître sculpta : le dieu semble animé.
C’est Éros, sans carquois, et sa flèche abattue
Gît à côté de l’arc. — Le Temps l’a désarmé.




FONTARABIE



La rue étroite monte, et, de chaque côté,
Se dressent les maisons, hautes, vieilles et sombres ;
L’hirondelle voltige au-dessus des décombres
Où fleurit la joubarbe en pleine liberté.

De fiers blasons sculptés décorent ces demeures,
Nous racontant l’éclat des fêtes d’autrefois :
Sérénades, soupers, cavalcades, tournois,
Entremêlés d’amours qui faisaient fuir les heures !

Jadis, richesse et gloire. — Et, maintenant, nul bruit.
À midi, deux passants : une duègne qui tousse,
Sur le seuil de l’église ; et puis, suçant son pouce,
Un enfant demi nu qu’un chien maigre poursuit.