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Le veau et le bœuf

Un Veau magnifique, libre d’entraves et vierge du joug, voyait un Bœuf tracer sans fin des sillons dans un champ. Comment, lui dit-il, à ton âge, n’as-tu pas honte de ces liens dont on charge ta tête, et ne secoues-tu pas ce joug pour prendre du repos ? tandis que moi, je puis çà et là fouler l’herbe des prairies, ou bien encore chercher l’ombre des bois. Le vieux Bœuf, sans s’émouvoir à ces paroles, retournait toujours péniblement la terre avec le soc, attendant l’heure où, quittant la charrue, il pourrait s’étendre mollement dans la prairie. Soudain, en se tournant, il voit passer près de lui le Veau, orné de bandelettes et conduit à l’autel pour le sacrifice. Voies, lui dit-il, la mort que tu dois à la fatale indulgence de ton maître, qui t’a dispensé du joug que je porte. Mieux vaut donc, supporter le travail, si pénible qu’il soit, que de goûter jeune encore, un repos si court et si perfide.

Tel est le sort des hommes : les plus heureux meurent le plus vite, les malheureux comptent de longs jours.