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compte des sinistres de mer, relativement assez fréquents, sans parler des épidémies et des révoltes. Or, tandis qu’il existait des assurances pour les marchandises ordinaires, rien ne nous indique qu’il en existât pour les cargaisons de noirs ; ce n’est, du reste, pas probable, car elles auraient dû être portées à un chiffre trop élevé. Enfin, tout bâtiment était exposé à être capturé par les corsaires. C’est ce qui explique que le gouvernement ait fait des sacrifices si considérables pour encourager ce commerce. Mais, sous l’influence des idées nouvelles, propagées surtout par la Société des Amis des noirs[1], de Paris, toutes primes furent supprimées par deux décrets, des 11 août 1792 et 27 juillet 1793[2]. Enfin, la traite elle-même le fut par le décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794), qui abolissait aussi l’esclavage[3].

Nous avons indiqué que notre intention n’était pas de continuer cette étude au-delà de 1789, car ce serait entreprendre la question de l’abolition de l'esclavage. Aussi bien, en ce qui concerne spécialement la traite, ne trouverions-nous guère de faits bien nouveaux dans la période qui suivit, jusqu’à sa complète suppression. Une fois ce principe admis par les plénipotentiaires des puissances réunis au Congrès de Vienne (8 février 1815), tout l’intérêt du sujet consiste dans les tentatives constantes des armateurs pour échapper aux mesures de répression édictées par le gouvernement. C’est encore là une preuve manifeste que la traite était bien réellement lucrative. Elle fut officiellement supprimée par une ordonnance royale de 1817, que confirmèrent et complétèrent les lois de 1818, 1827, et la dernière du 4 mars 1831[4].

  1. Fondée en 1787 par Brissot, qui revenait de Londres, où il avait été présenté à la Société de l’abolition de la traite des noirs. Elle comprit des hommes tels que Mirabeau, Lafayette, Lavoisier, l'abbé Grégoire, etc. Elle chargea Brissot d’aller en Amérique étudier les moyens d’émanciper les esclaves.
  2. Duvergier, Collection des lois, etc., IV, 350, VI, 71. Ce fut à la demande de Grégoire.
  3. Id., ib., VII, 36.
  4. Id., ib., XXI, 93 et 401 ; — XXVII, pp. 82-85 ; — XXXI, pp. 92-97.