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Turc paraisse pour armateur pour avoir les expéditions. Ayant les expéditions, on fait route où l’on veut. Voilà la manœuvre de ce commerce. » Nous ignorons si ce projet ingénieux fut mis à exécution ; mais il y a lieu d’en douter, car, dans tous les documents où il est question des nègres des Antilles, on ne parle que d’Africains de la côte occidentale et de quelques-uns importés de la côte de Mozambique ; encore ceux-là furent-ils très rares ; ils servaient surtout à Bourbon et à l’île de France.

À l’époque où nous arrivons, nous devons nous rappeler que la Guadeloupe et la Martinique furent prises par les Anglais[1], la première en 1759, la seconde en 1762. Les cultures avaient beaucoup souffert, le commerce avait été anéanti. Il avait fallu armer les nègres pour la défense. Nous trouvons à ce sujet, dans l’acte de capitulation de la Guadeloupe[2], qu’il est permis, par l’article 20, aux habitants de donner la liberté aux esclaves auxquels ils l’ont promise, mais à condition qu’ils sortiront de la Guadeloupe. Dans la capitulation de la Martinique[3], l’article 19 dit seulement que lesdits nègres affranchis « jouiront paisiblement de la liberté ». Par l’article 28, « il sera accordé aux habitants, négociants et autres particuliers… de passer à Saint-Domingue ou à la Louisiane avec leurs nègres et effets. » Ces dispositions nous intéressent en ce sens qu’elles durent évidemment priver les îles d’un certain nombre d’esclaves. Mais, d’autre part, les Anglais, en moins de quatre ans, en introduisirent 35.000 à la Guadeloupe, où la culture était alors beaucoup moins développée qu’à la Martinique, et ce renfort inattendu la porta subitement à un haut degré de prospérité[4], si bien

  1. Cf. Arch. Col., F, 19. Ce volume est presque entièrement consacré aux événements de guerre qui se passèrent à la Guadeloupe en 1759. Pour la Martinique, cf. F, 40.
  2. Durand-Molard, Code de la Martinique, II, 53 : l’acte est du 1er mai 1759.
  3. Id., ib., 113.
  4. « Les mesures intérieures prises pour la discipline des ateliers, pour la sécurité de l’habitant, en quatre années, avaient fait de la Guadeloupe une colonie d’un quart plus opulente qu’elle ne l’était avant la conquête, et pour-