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lettre du 26 février 1743[1], le Ministre recommande à De Clieu de ne pas admettre de nègres de provenance anglaise. Celui-ci répond, d’ailleurs, le 10 mai : « Il n’est pas entré à la Guadeloupe 30 nègres de l’étranger depuis l’ouragan de 1740, quand nos habitants en demandent de toutes parts. » Mais la guerre empêchait les arrivages. Cependant il y avait des armateurs qui tentaient la chance, en raison des bénéfices plus considérables à réaliser s’ils échappaient aux corsaires[2]. Après la paix, le gouverneur général propose nettement de recourir aux étrangers. Mais le Ministre lui en exprime tout son étonnement, dans une lettre du 28 février 1750, où il lui dit : « Vous êtes le premier qui ayez proposé le commerce étranger pour les nègres[3]. » Et, le même jour, il écrit à MM. de Caylus et Ranché : « La traite des nègres est trop importante pour le commerce du royaume pour que l’on puisse se prêter à une opération qui la ferait tomber peut-être pour toujours[4]. » D’autre part, dans ses Instructions du 30 avril 1750 à l’intendant Hurson[5], le roi écrit : « L’île de la Martinique est non seulement à son point d’établissement, mais elle est encore en état de déboucher nombre de ses habitants dans les autres îles pour y former des établissements. » C’est surtout la Guadeloupe, qui a beaucoup souffert des ouragans et de la guerre, ainsi que les petites îles, qui ont besoin d’être peuplées. Vers la fin de cette même année cependant, il se décide à envoyer un de ses propres vaisseaux, la frégate La Mégère, à la cote de Guinée. Les nègres seront portés à Saint-Domingue ; il est recommandé au sieur Lalanne d’en favoriser la vente, pour que le produit puisse en être

  1. Dessalles, IV, 472, Cf. aussi Arch. Col., F, 258, p. 265. Lettre ministérielle aux administrateurs de la Martinique, 1er août 1746, et, le même jour, lettre au marquis de Caylus, B, 82, p. 54.
  2. Cf. Arch. Col., B, 81, p. 24. Lettre ministérielle à M. de Ranché, 3 juin 1745.
  3. Arch. Col., F, 258, p, 265.
  4. Arch. Col., B, 91, p. 5. Dans une autre lettre, encore du même jour, et spéciale à M. de Caylus, il lui marque tout le mécontentement du roi sur sa conduite au sujet de l’introduction des noirs de l’étranger, Ib., p. 7.
  5. Arch. Col., F, 70.