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habitants en sont réduits à s’estimer heureux de profiter l’une occasion comme la suivante : un navire, allant du Sénégal au Mississipi, a dû relâcher au fort Saint-Pierre ; on lui a permis de débarquer 92 nègres hors d’état d’achever le voyage, puis de les vendre[1]. Quelque temps après, il arrive à Saint-Domingue que le sieur Cassagne, commandant de la Grande-Anse, facilite la vente de nègres d’un vaisseau anglais échoué sur la côte ; il faut dire qu’il en avait reçu 13 en présent. Dès que le Ministre l’apprend, il ordonne de le « punir à toute rigueur », parce qu’il serait « d’une trop dangereuse conséquence de laisser son crime impuni[2] ».



IV

Les choses paraissent rester momentanément en l’état. Mais les habitants ne tardent pas à se plaindre de nouveau de l’insuffisance des envois. Or, écrit le Ministre au marquis de Faguet[3] : » Il faut toujours se tenir en garde sur les plaintes qu’ils font à cet égard, et, instruit comme vous l’êtes de leur goût pour le commerce étranger, vous ne devez pas douter que ce ne soit là le principe le plus commun de ces mêmes plaintes ». En fait, bon nombre de nègres étaient introduits en fraude[4], toujours pour la même raison, parce qu’on en manquait. En 1738, la Compagnie n’a expédié qu’un navire négrier à la Martinique, et il n’en est arrivé que 5 des armateurs de France. Les administrateurs reviennent alors à la charge pour qu’on n’empêche pas le trafic direct entre les Antilles et l’Afrique. Le Ministre demande son avis à la

  1. Arch. Col., C8, volume XLIV. Lettre à de Champigny et d’Orgeville. 7 décembre 1730.
  2. Arch. Col., B. 61, p. 435. Lettre du 7 juin 1734, à MM. du Fayet et Duclos.
  3. Arch. Col., B, 63, Saint-Domingue, p. 424. Lettre du 9 août 1735.
  4. Arch. Col., B, 66, Îles-sous-le-Vent, p. 2. Lettre du Ministre à MM. de Larnage et de Sartre, 3 février 1738.