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saire pour les plantations, outre que les Européens qui voudraient aller s’établir dans ces pays ne le feraient point dans le dessein d’aller y travailler la terre, mais pour y faire des plantations et leur commerce de la même manière qu’il se pratique dans les îles de Saint-Domingue, la Martinique et les autres colonies[1]. » C’est donc le gouvernement qui repousse le travail libre et veut développer la traite. Mais la Compagnie est loin de satisfaire à ses engagements. Elle n’envoie pas le quart des nègres qu’il faudrait. « À la Martinique, pendant neuf mois, il n’en a pas paru, ni à la Guadeloupe, où on n’en a pas encore vu de son envoi[2]. » Un édit de juin 1725[3] lui confirme le monopole à titre d’encouragement, et le Ministre écrit aux colonies qu’elle a pris ses mesures pour envoyer le nombre de nègres nécessaires[4]. Le 8 août 1725[5], une délibération de l’assemblée générale accorde des permissions spéciales à 8 vaisseaux, moyennant le paiement de 20 livres pour chacun des noirs, même négrillons et négrittes, transportés aux îles[6]. Le 12 octobre suivant[7], la permission est étendue pour deux ans à tous les négociants du royaume. La Compagnie se réservant les 13 livres de gratification, c’est donc 33 livres de bénéfice net qu’elle réalise par tête, sans courir aucun risque ; ce sont

  1. Lettre du 26 mai 1724. Cf. Arch. Nat., F, 6197, et A. Dessalles, IV, 155. Bientôt après, l’Angleterre profita des idées de Purry et lui dut, dans la Caroline, la fondation de la colonie de Purisbourg (1730).
  2. Arch. Col., C8, vol. XXXIV. Lettre de l’intendant Blondel au Ministre, 14 janvier 1725.
  3. Moreau de Saint-Méry, III, 142.
  4. « Je ne doute point, dit-il, que les habitants ne connaissent à la fin qu’ils ne tendent qu’à leur ruine lorsqu’ils achètent des nègres venant de l’étranger qu’ils payent bien cher ce (sic) qui sont le rebut des colonies étrangères. » Arch. Col., B, 48, p. 542. Lettre à M. de Moyencourt, 17 juin 1725.
  5. Dernis, Histoire abrégée des Compagnies de commerce qui ont été établies en France depuis l’an 1626. Arch. Col., série F2.
  6. C’est sur la demande du roi. Cf. Lettres du 12 septembre 1725 à MM. de Feuquières et Blondel et de la Roche-Allard et de Montholon. Arch. Col., B, 48, p. 558 et 698. Autre lettre du 1er mai annonçant que les prix des nègres seront diminués « à mesure que les habitants diminueront ceux de leurs denrées ». Ib., p. 683.
  7. Dernis, 399.