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y devient ruineux et impraticable. Sa Majesté a résolu d’y pourvoir en acceptant les offres de la Compagnie des Indes. » La Compagnie obtenait donc le monopole, à la charge de faire transporter annuellement au moins 3.000 nègres aux Antilles. Elle était exemptée de la moitié de tous les droits pour tout son trafic, et recevait 13 livres de gratification par tête de nègre. Il n’est peut-être pas inutile de remarquer qu’elle comptait dans ses rangs tout ce que la France avait de noms illustres dans l’armée, la robe et la finance[1]. Ce fait ne sert-il pas à expliquer en partie les avantages considérables qui lui étaient accordés ?

Il est vrai qu’ils allaient se trouver restreints par une nouvelle décision du roi. En effet, le 7 septembre 1723[2], Sa Majesté, sans que nous en voyions les motifs, donne pouvoir au comte d’Esnos Champmeslin, lieutenant général et commandant général en l’Amérique méridionale, « de décider sur les exemptions accordées à la Compagnie des Indes par nos arrêts des 10 et 27 septembre 1720, et sur la faculté attribuée à la Compagnie d’introduire 30.000 nègres étrangers » à Saint-Domingue. Or, en vertu de cette autorisation, le comte de Champmeslin rend, le 24 février 1724, une ordonnance[3] qui assujettit la Compagnie aux mêmes droits que les autres négociants et lui interdit d’ « introduire aucuns nègres étrangers dans la colonie, à peine de confiscation ».

Il faut croire que la Compagnie des Indes ne trouvait pas facilement à se procurer le nombre de noirs voulu, car elle projeta un nouvel essai de colonisation libre à la Guyane. Elle s’adressa au Suisse Purry, qui s’offrit à transporter en Amérique 250 familles. Son projet fut présenté au duc de Bourbon, mais il répondit : « Il semble qu’il est plus à propos qu’il y ait aussi un bon nombre d’esclaves. L’expérience a fait voir qu’on apprend aux noirs tout ce qui est néces-

  1. A. Dessalles, IV, 82.
  2. Moreau de Saint-Méry, III, 65. Déclaration du roi.
  3. Id., Ib., 83.