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qu’il y a surtout lieu de remarquer dans le contrat, c’est qu’ici la Compagnie ne reçoit plus de prime ; au contraire, elle est tenue de payer « pour chaque nègre pièce d’Inde de la mesure ordinaire 33 écus 1/3 (art. 2). » Elle devra donner par avance à Sa Majesté Catholique 600.000 livres (art. 3). Les rois d’Espagne et de France seront intéressés chacun pour un quart dans ses affaires (soit un million de livres tournois, art. 28). Qu’en conclure, sinon que la traite offrait des chances de sérieux bénéfices ? Nous le montrerons surtout à propos du prix des nègres. C’est l’idée émise par A. Dessalles, le consciencieux auteur de l’Histoire générale des Antilles[1], comme d’ailleurs par la plupart de ceux qui se sont occupés de ce sujet. M. Trayer a prétendu la réfuter, mais nous estimons qu’il se trompe en déclarant que « cette manière de voir est assurément aussi fausse que possible, ainsi que le prouve l’historique du commerce des noirs[2] ».

Ce qui nous confirme encore dans notre appréciation, c’est que les négociants des ports français ne cessent de demander la liberté de la traite en Guinée. Le 12 mars 1702, le gouvernement leur accorde la permission d’aller seulement à Cayenne et aux Îles-du-Vent, où ils pourront débiter des nègres librement et sans payer de droits. « À l’égard de Saint-Domingue, tous les nègres qui y seront destinés devront être remis aux commis de la Compagnie de l’Assiente, qui s’est réservé la fourniture de cette île. Elle paiera les pièces d’Inde sur le pied de 400 livres et les défectueux, qu’on appelle maquerons, au prix dont on conviendra[3]. » Un particulier ayant offert des nègres à l’Assiente, le Ministre engage la Compagnie à accepter, à la condition qu’il réduise ses prix à 400 livres[4]. Le 5 décembre 1703, le roi décide qu’elle devra « accorder des permissions gratuites pour que,

  1. T. IV, p. 19.
  2. Op. cit., p. 7.
  3. Arch. Col., B, 24, p. 60. Lettre au sieur Massiot.
  4. Ib., 156. Lettre au sieur Deshaguais, 14 octobre 1702.