Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

royale « portant défense aux habitants des îles de l’Amérique d’acheter aucuns nègres des Indiens tant de la terre ferme que des îles Caraïbes et de les porter dans les îles françaises de l’Amérique et côte Saint-Domingue[1] ». Il est question de cette ordonnance dans une lettre adressée le lendemain par le roi à MM. le Chevalier de Saint-Laurent et Begon[2]. Sa Majesté a fait « parler fortement » aux directeurs de la Compagnie à cause des fausses mesures qu’ils prennent pour l’envoi de leurs vaisseaux en des saisons peu propres pour le commerce et du nombre insuffisant des nègres qu’ils transportent aux îles. Elle ordonne, en outre, qu’on lui rende chaque année un compte exact des arrivages. Puis, au sujet de la prise par la Compagnie d’un vaisseau nommé La Constance, contenant 44 nègres de contrebande et 3 sauvages : « Comme ce commerce a été toléré jusqu’à présent, Elle a bien voulu accorder la main-levée dudit vaisseau et desdits nègres. » Mais il ne faut plus compter pour l’avenir sur pareille tolérance. Le 4 octobre suivant[3], le roi recommande à Begon de tenir la main à ce que la Compagnie soit payée ponctuellement du prix de ses nègres. Cette protection qui lui était accordée excitait des mécontentements. L’expression en est contenue dans un Mémoire de 1684[4], non signé, écrit « pour faire voir que l’établissement de la Compagnie du Sénégal est entièrement inutile à l’État et qu’au contraire il est très préjudiciable aux intérêts de Sa Majesté et fort à charge aux négociants du royaume et même au public ». Nous y trouvons d’abord l’indication que le monopole n’était pas absolu[5]. L’auteur montre ensuite que, faute de concurrence,

  1. Moreau de Saint-Méry, I, 386.
  2. Arch. Col., B, 10, p. 9.
  3. Arch. Col., B, 10, p. 47.
  4. Arch. Col., C6, carton 1.
  5. « Non seulement la Compagnie est dispensée par ses privilèges de payer aux îles la somme de 30 livres que tous les négociants sont tenus de payer au roi pour chaque nègre qu’ils y transportent, mais encore Sa Majesté lui accorde la somme de 13 livres par forme de gratification par chaque tête de nègre qu’elle aura porté dans les îles et colonies de l’Amérique, ce qui fait une différence de 43 livres par tête de nègre au préjudice du roi. »