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C’est sous l’empire de ces diverses idées que fut promulgué l’Édit du 28 mai 1664, portant établissement d’une Compagnie des Indes Occidentales pour faire tout le commerce dans les îles et terres fermes de l’Amérique, ainsi que l’indique bien son intéressant préambule[1]. Remarquons, toutefois, qu’il n’y est pas question de nègres esclaves. Mais il était évidemment sous-entendu que la Compagnie devait en fournir les îles. En effet, jusqu’alors, c’étaient des bâtiments hollandais plutôt même que des bâtiments français qui s’étaient livrés à cette importation. Mais désormais il va être expressément défendu de recourir aux étrangers pour la traite. En vain, l’intendant de la Martinique, M. de Baas, essaie de s’opposer à cette mesure[2]. La prohibition n’en est pas moins ordonnée, le 25 mars suivant, ainsi qu’il résulte d’une lettre du Ministre aux directeurs de la Compagnie des Indes Occidentales : il leur est prescrit de se procurer eux-mêmes, en Guinée, le nombre de nègres nécessaire[3]. Le même jour, le roi fait écrire à la fois à l’intendant De Baas et au sieur Pélissier, un des directeurs de la Compagnie, pour le même objet[4]. Afin de se conformer à sa volonté, M. de Baas ordonne, le 11 mai 1670, la confiscation d’un navire flamand surpris à faire la traite des nègres à l’île de Grenade[5].

Pour encourager les armateurs particuliers, un arrêt du Conseil d’État, du 26 août 1670[6], porte suppression d’un droit de 5 % que prélevait à l’origine la Compagnie sur les nègres

  1. Moreau de Saint-Méry, I, 100.
  2. Arch. Col., C8, I. « Je ne puis m’empêcher, Monseigneur, de redire ce que j’ai déjà écrit, que les habitants des îles souffriront beaucoup par la défense du commerce avec les étrangers, qui leur portaient des chevaux et des nègres. C’est un bien si précieux en ce pays que, sans cela, on ne peut ni défricher la terre, ni recueillir ce qu’elle rapporte. »
  3. Ib., F, 247, p. 611 ; et B, 1, p. 22.
  4. Ib., F, 247, pp. 621 et 629. Voir encore deux autres lettres identiques à M. de Baas, pp. 639 et 661.
  5. Ib., p. 649.
  6. Moreau de Saint-Méry, I, 197.