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un acte d’assemblée encore plus net, déclarant que la Compagnie agrée le marché fait pour les nègres avec le capitaine Durant, moyennant 200 livres pièce[1], et un autre qui autorise un emprunt de 8.000 livres, afin de solder le prix de 40 nègres introduits à la Guadeloupe[2].

Mais c’est surtout à partir de l’avènement de Colbert aux affaires que la traite devient vraiment régulière et de beaucoup plus importante. Comme il veut que la marine française et, par suite, le commerce rivalisent avec ceux des Hollandais, que le développement des colonies est un sûr moyen d’atteindre ce but, que les nègres sont à ses yeux d’excellents instruments de travail pour faire fructifier le sol et qu’enfin, par surcroît, le trafic de cette marchandise humaine lui paraît être une source possible d’importants bénéfices, il va s’empresser de le favoriser. Colbert, est-il besoin de le dire, est avant tout un homme d’État, un génie essentiellement pratique ; ce n’est nullement un philosophe, et surtout un philosophe humanitaire. On sait les moyens qu’il emploie pour le recrutement de la chiourme. Il y faut, écrit-il le 19 février 1666 à Arnoult, intendant des galères à Marseille, « l’action des Parlements, les achats d’esclaves et peut-être la traite des nègres[3] ; » il n’allait du reste pas tarder à se confirmer dans cette idée. Aussi provoque-t-il les mesures royales qui, dès lors, ne cesseront plus, jusqu’à la fin de l’ancien régime, d’être prises en faveur de la traite. Si Louis XIII semble avoir eu quelques scrupules à autoriser l’esclavage dans les colonies françaises, nous n’en trouvons plus trace chez Louis XIV. En tout cas, ils ont été apaisés chez l’un et chez l’autre par l’idée du bien qu’ils faisaient à la religion et à de malheureux idolâtres auxquels ils voulaient assurer le salut.

  1. Arch. Col. F, 52, 7 janvier 1643.
  2. Ib., F, 221, p. 197 ; 7 octobre 1643.
  3. P. Clément, Lettres, instructions et mémoires de Colbert. 1re partie. III, 35.