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générosité destinée à rester bien platonique, car jamais il n’y eut de rapprochement entre les insulaires et les colons. S’ils ne furent pas réduits en servitude, les Caraïbes furent sans cesse refoulés par les nouveaux occupants, si bien qu’en l’espace d’un siècle ils avaient à peu près totalement disparu[1].

Et pourtant, si on avait su en quelque sorte les apprivoiser, n’y aurait-il pas eu moyen de tirer d’eux un parti utile ? En 1781, le P. Padilla était parvenu, à force de patience et d’habile douceur, à former aux environs de Cayenne une mission de plusieurs peuplades d’indiens. Ils étaient au nombre de 308 fixés au sol, et ils commençaient « à prendre du goût pour l’industrie et pour la culture des terres[2] ». À ce moment, on paraît s’être occupé de les utiliser, si nous en jugeons par un Mémoire des Administrateurs de la Guyane, du 15 janvier 1786[3], « Ils ne peuvent que louer, écrivent-ils, les mesures qui sont indiquées dans le Mémoire du Roi qui leur sert d’instruction sur le projet de tirer parti des Indiens, de les civiliser et d’exciter leur industrie. On espère, avec des soins assidus, parvenir à obtenir quelques heureux avantages, avec l’aide de quelques missionnaires. » Ils rappellent ensuite les notes qu’a fournies au Ministre un de leurs prédécesseurs, M. Lescallier : « On a parlé bien diversement des Indiens qui habitent l’intérieur de la Guyane. On a vu des Administrateurs, qui les ont considérés comme des automates, dont on ne pourrait tirer aucun parti. Cette opinion est plus que rigoureuse. On ne peut nier qu’ils n’aient sur nous des avantages bien précieux, l’agilité à la chasse et à la

    11 et 31 juillet 1664, relatif à l’établissement de la Compagnie des Indes Occidentales, et qui porte même « défense expresse de vendre aucuns habitants originaires du pays comme esclaves, ni même d’en faire trafic, sous peine de la vie ». Moreau de Saint-Méry, I, 100.

  1. Thibaut de Chanvalon, Voyage à la Martinique, p. 38. — Voir sur cette extermination générale des indigènes par les Européens une page saisissante de J. Duval, op. cit., préface, xvii.
  2. Arch. Col., F, 21. Mémoire du 31 mai 1787, p. 3.
  3. Id., ib.