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capturés par les Caraïbes, et les Brasiliens, que les Hollandais, en guerre avec les Portugais, leur enlevaient.

Pas plus que les Caraïbes eux-mêmes, les Aroüagues ne se laissaient imposer de rudes travaux. On n’obtenait d’eux quelques services qu’en les traitant par la douceur. Ils étaient presque uniquement employés pour la chasse ou pour la pêche, exercices auxquels ils se montraient d’une habileté extraordinaire ; c’est ce que le P. Bouton exprime en disant qu’ils étaient « merveilleusement manigats », suivant un mot du pays ; « au reste, ajoute-t-il, fort libertins, stupides et gens à qui il ne faut rien dire et qu’il faut laisser faire tout à leur volonté[1] ». Ils étaient très recherchés, mais il n’y avait guère que les gouverneurs, les officiers et les principaux habitants qui pussent en avoir.

Les Brasiliens étaient dégrossis par leur contact avec les Portugais, « au point de n’avoir rien de sauvage que le nom et l’extérieur ». Avec eux aussi il fallait recourir aux bons traitements, moyennant quoi ils étaient « prêts à tout faire, excepté à travailler la terre ». Du Tertre cite les femmes brasiliennes comme des « trésors dans les familles », en tant que domestiques et nourrices, car elles étaient très laborieuses et très adroites. Il rapporte également un curieux proverbe qui marque bien la différence entre les sauvages et les nègres : « Regarder un sauvage de travers, c’est le battre ; le battre, c’est le tuer ; battre un nègre, c’est le nourrir. » Aroüagues et Brasiliens se faisaient une idée particulière de leur condition, car ils ne voulaient avoir aucun commerce avec les nègres, « s’imaginant qu’on les regarderait comme des esclaves, si on les voyait converser avec eux ».

Dans un Recensement, du 20 janvier 1716[2], concernant les quatre quartiers de la Martinique où sont établis des régiments, nous avons trouvé, sur un cadre imprimé, un en-tête

  1. Relation de l’établissement des Français depuis l’an 1635 en l’Isle de la Martinique, p. 52.
  2. Arch. Col., C8, 21.