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compagnon Du Plessis s’y opposa énergiquement. « Il lui représenta qu’il n’y avait rien de plus contraire aux ordres du roi et des seigneurs de la Compagnie qui, ayant pour but principal la conversion de ces infidèles, voulaient qu’on entretînt la paix avec eux pour faciliter ce dessein[1]. » Mais est-ce bien là réellement le vrai motif pour lequel on ne voulut pas les asservir ? Ici Du Tertre lui-même nous fournit des raisons d’un ordre moins élevé et plus pratique. Il nous apprend, en effet, que c’est par suite de leur résistance indomptable que les Français n’ont jamais pu réduire les Caraïbes en esclavage. Ils avaient sous les yeux l’exemple du gouverneur anglais de Montserrat, qui avait en vain recouru aux plus terribles moyens : en effet, non content de les enchaîner, il avait fait crever les yeux aux plus rebelles ; pourtant rien n’y fit, car les indigènes préféraient se laisser mourir de faim plutôt que de travailler. « Ce qui, ayant été reconnu par nos Français, ajoute Du Tertre, ils ont mieux aimé les tuer, après les avoir pris pour en faire des échanges avec ceux qu’ils nous avaient enlevés, que de tenter inutilement de les réduire à l’esclavage[2]. »

Le P. Labat parle également de cette indocilité des Caraïbes : « Ils ne font, dit-il, que ce qu’ils veulent, quand ils veulent et comme ils veulent[3]. » Il cite cependant des indigènes qui sont esclaves ; mais ils viennent de la terre ferme. » Il arrive quelquefois que nos barques, qui vont traiter à l’île de la Marguerite et aux bouches de la rivière d’Orénoque, prennent en troc de leurs marchandises des Indiens esclaves qu’ils nous apportent[4]. » À ce sujet, Du Tertre nous donne quelques détails sur deux catégories d’esclaves, qu’il met à part dans le VIIe Traité de son ouvrage, consacré spécialement à l’esclavage[5] : ce sont les Aroüagues, indigènes du continent

  1. Du Tertre, I, 83.
  2. Id., II, 485
  3. Nouveau voyage aux isles de l’Amérique, II, 138.
  4. Id., ib., 139.
  5. Du Tertre, II, 483, sqq.