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extrait significatif : « Lorsque la France étendit sa domination sur les Antilles…, ce ne furent pas des Africains qu’elle employa pour fonder ses premiers établissements. Des colons par centaines émigrèrent de la Normandie pour se livrer à tous les travaux de la culture coloniale… Par la suite, la culture cessa d’être faite par les blancs ; mais, s’ils l’abandonnèrent, ce n’est pas qu’ils redoutassent le climat : cet abandon résulta des désordres de l’administration, de la cruauté avec laquelle on traitait les colons, et de l’exemple des autres colonies, dans lesquelles on se servait des nègres, dont le travail donnait de grands bénéfices aux propriétaires et aux traitants. Sans l’attrait de ces gains funestes, l’émigration européenne eût continué, car elle n’a pas cessé à raison du climat des Antilles, mais par suite de la traite des noirs[1]. »

Le sénateur espagnol Guell y Rente affirmait, à la séance du 19 juillet 1884, qu’en 1862, à Cuba, sur 850.127 habitants formant la population rurale, il n’y avait que 292.573 esclaves. « Cette statistique combat le préjugé, d’ailleurs absurde, que la race blanche, avec des précautions et le secours du temps, ne peut pas s’acclimater dans la zone chaude et y cultiver la terre[2]. »

Nous aurions pu étendre encore ces citations, mais nous avons fait un choix des plus caractéristiques. En somme, nous croyons que cette réunion de faits et de témoignages est suffisante pour démontrer combien le gouvernement et les colons eurent tort de ne pas favoriser davantage le système des engagés ; car, à la seule condition d’être mieux pratiqué, il eût permis d’organiser le travail libre, qui se serait combiné

  1. José Saco, op. cit., p. 258.
  2. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 264. Cf. aussi, p. 252 et 269. — Les témoignages recueillis par la Chambre des lords dans l’enquête de 1840 viennent également à l’appui de notre thèse. Voir Précis de l’abolition de l’esclavage dans les colonies anglaises, III, pp. 400, sqq, — Nous renvoyons encore à l’opinion de médecins, rapportée par Schœlcher, Colonies françaises, Abolition immédiate de l’esclavage, Introduction, pp. 31, 34, 35, 39, 45.