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libéré, s’est présentée la question de la reconstitution de la propriété, établie sur de nouvelles bases, et de l’organisation du travail libre. On sait qu’il a été impossible de ramener à la culture une grande quantité de gens de couleur, auxquels de trop vivants souvenirs la rendaient particulièrement odieuse. Mais, comme nous l’avons indiqué (p. 455), l’immigration des coolis n’a été qu’un expédient, et n’a pas permis de créer véritablement le travail libre.

En troisième lieu, les Antilles ont naturellement profité de la liberté commerciale, à laquelle est venue s’ajouter la liberté politique. Mais, malgré les progrès accomplis à ce double point de vue[1], peut-on dire que nous ayons trouvé la formule la plus pratique de conciliation entre le développement des intérêts particuliers de nos colonies et leur subordination aux intérêts généraux de la métropole ? Heureusement, la population de nos îles américaines se rattache de plus en plus par le sentiment patriotique à la France continentale, et leur territoire est bien devenu comme le prolongement de la mère-patrie au-delà de l’Océan. C’est ce qui rendra, espérons-le, l’entente de jour en jour plus facile. Mais, pour cela, il est nécessaire que la population de couleur ne devienne pas, à son tour, oppressive à l’égard de la population blanche. Oui, souhaitons surtout, en terminant, que, grâce au progrès des idées philanthropiques en notre siècle, la société des Antilles réalise le rapprochement et l’union de tous les Français, sans distinction de race. Un des éléments du patriotisme est d’ordinaire la communauté des souffrances et des joies dans le passé. Malheureusement, il ne saurait exister ici. Il faut donc que les descendants des anciens maîtres

  1. « Depuis quelques années, au point de vue politique, nous avons introduit dans nos colonies les libertés de la France ; nous leur donnons des gouverneurs civils, nous admettons dans notre Parlement leurs représentants. On dirait que la France est pleine de regrets d’avoir manqué dans le passé sa vocation coloniale, et de ferme propos de réparer les fautes dans cette voie. À ces desseins virils, quoique tardifs, on ne saurait trop applaudir. » P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 248.