Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

outre l’usure de ce capital vivant, les charges de corvées et de capitation, les maladies, les accidents, le marronage, les affranchissements, enfin mille frais imprévus qui mettaient certainement le renouvellement de ce matériel animé à un taux fort onéreux.

Malgré tout, cependant, il paraît difficile de contester qu’il n’y ait eu un intérêt immédiat pour les planteurs à employer des nègres esclaves. Il est certain que, sans eux, les Antilles ne seraient pas arrivées si promptement à une telle prospérité. Suivant un Mémoire de Malouet, de 1776[1], les îles à sucre « produisent 120 millions, qui, par l’action et la réaction des échanges, représentent une somme décuple ». Necker écrit dans son Traité de l’administration des finances de la France[2] : « Ce n’est qu’en vendant au dehors pour 220 à 230 millions de marchandises ou manufacturées ou apportées des colonies que la France obtient une balance de 70 millions. » Le Mémoire du Bureau de la balance du commerce des colonies françaises en 1787[3] donne, comme chiffre d’exportation du royaume, pour les colonies, 73.767.000 livres et, pour l’importation des colonies en France, 185.047.000 livres. Un négociant de la Martinique[4] estime à 235.436.000 livres, argent de France, les marchandises exportées des îles dans la métropole et à 317.000.000 seulement l’exportation totale des colonies espagnoles, portugaises, anglaises, hollandaises, danoises. Il est à noter que ce n’est qu’aux Antilles que notre colonisation était prospère[5]. Cette prospérité fit par contrecoup celle de certains de nos ports, en particulier de Nantes, Marseille et Bordeaux. Mais à quel prix ces résultats furent-ils achetés ? C’est aussi, au point de vue historique, ce qu’il est essentiel de faire voir.

6’Voici, d’abord, un aperçu des fortunes créoles. Vers

  1. Arch. Col., Colonies en général, XIII, F, 90.
  2. Éd. de 1785, t. II, ch. iii, p. 118.
  3. Arch. Col., F, 139, p. 85.
  4. Ib., ib., p. 5. Mémoire de Ruste.
  5. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., 167.