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vu le manque absolu de débouchés et, par conséquent, de concurrence. Le peu d’argent qui avait été importé aux Antilles par les colons ou par les Compagnies disparut rapidement, si bien que tout le commerce ne consista plus que dans le troc. Les principaux produits des îles étaient le sucre, de beaucoup le plus important et dont les variations de prix déterminaient la valeur des échanges, l’indigo, le tabac, le café, la casse, , le séné, le gingembre, le coton, le caret ou écaille de tortue, les bois de teinture, le roucou, Les colons auraient pu garder l’argent contre lequel ils auraient vendu leurs produits, tandis qu’il leur était impossible de conserver la marchandise elle-même. Ils furent donc contraints de subir les exigences des négociants de France.

4° Remarquons que, les nègres étant presque exclusivement attachés à la culture du sol et à la fabrication du sucre, aucune autre industrie, importante ne se créa aux Antilles. Pour les besoins de la construction, on éleva seulement des briqueteries, des tuileries et des fours à chaux, de même qu’il y eut des menuisiers, des charpentiers et des forgerons. Mais c’est à peine si quelques blancs, quelques gens de couleur libres ou des esclaves formés en France, puis travaillant au retour pour le compte de leurs maîtres, se livrèrent à la production de menus objets d’usage journalier[1]. Ils pratiquaient de préférence le négoce de pacotilles provenant de l’importation. Dès que les libres avaient quelques fonds, ils aimaient mieux acheter une habitation, ou tenir un cabaret, qui leur permettait de faire rapidement fortune. Tous les métiers restèrent en somme à l’état rudimentaire. Du moment qu’il n’y avait pas d’émulation, il n’y eut point d’initiative, partant point de progrès[2].

  1. « Ce qui manque le plus, ce sont les artisans », malgré le privilège que leur accordait l’édit de mars 1642, de passer maîtres au bout de six ans de séjour aux îles. Du Tertre, II, 468.
  2. « On a bien vu quelques pays à esclaves fleurir par l’agriculture, mais on n’en peut citer un seul où les arts mécaniques aient été portés à un haut point de perfection. » Ad. Smith, t. I, liv. III, ch. ii, p. 464.