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excusable chez eux — plutôt que de la conquérir par une conduite héroïque ?

Quoi qu’il en soit, peu à peu, à la fois par suite du manque de sécurité et de confortable aux îles, les colons les plus riches se décidèrent à aller jouir de leurs revenus dans la métropole. Les colonies souffrirent alors de l’absentéisme, qui rendit encore pire la condition des esclaves, dont les gérants n’avaient naturellement aucune pitié. S’il en fut ainsi, c’est qu’on n’était pas parvenu à faire du séjour des Antilles comme une seconde patrie[1].

2° Si nous passons de la condition des personnes à celle des terres, que voyons-nous ? Au début, alors qu’il n’y avait pas encore quantité de noirs aux Antilles, chacun vivait facilement sur des terres peu ou point délimitées, étonnamment fertiles, qui, grâce à un travail insignifiant[2], donnaient des produits largement rémunérateurs. Comme en France, on labourait avec la charrue et on cultivait les denrées de première nécessité. Mais l’esclavage eut presque immédiatement trois conséquences capitales : il amena le développement de la grande propriété, l’abandon de la charrue pour la houe de l’esclave, la culture à peu près exclusive des produits de luxe et d’exportation.

L’extension de la culture pratiquée en grand et appliquée presque exclusivement à la canne à sucre coïncide avec celle que Colbert donna à la traite. À l’origine, chacun n’avait besoin que d’une portion de terre peu étendue, parce qu’on cultivait presque uniquement le tabac, avec le cacao, le roucou, le gingembre, l’indigo. Ces produits convenaient très bien à la petite et à la moyenne propriété[3]. Mais on constata bientôt que le sucre rapportait bien davantage[4]. Aussi « les plus

  1. Cf. Commission coloniale, 1849-1851. Rapport d’Em. Thomas, p. 21-22.
  2. « Le travail d’un homme pendant une heure par jour suffit pour assurer sa subsistance et celle de sa famille. » Arch. Col., Essai sur l’esclavage, F, 129, p. 244.
  3. Cf. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 163.
  4. La culture de la canne ne commence que vers 1650. On croit communément que c’est le juif Benjamin Dacosta qui l’importa du Brésil à la Marti-