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cela qu’à la fin de son engagement l’Européen recevait des terres et devenait habitant. Lorsque les terres vinrent à manquer, ce qui se produisit assez promptement, vu le système de la grande culture, les engagements prirent fin. Comme il est dit dans l’arrêté de 1774 : « L’accroissement de la population… et la multiplication des noirs qui y ont été importés ont fait cesser depuis longtemps les engagements qui avaient lieu autrefois. »

Nous relevons dans un article de la Revue Coloniale de mars 1847[1] de M. P. Maurel, un passage caractéristique qui résume très nettement cette phase du peuplement de nos colonies. L’auteur de cette remarquable étude dit, en effet, après avoir cité l’arrêt de 1774 : « Ainsi finit, par son succès même, cette vieille institution des engagés. Que ceux qui citent les engagés pour prouver que le travail des blancs est impossible aux colonies, renoncent donc à cet exemple. Ils ne l’ont pas compris. Les engagés ont fini non parce qu’ils ont échoué, mais parce qu’ils ont réussi. La victoire fait cesser les efforts tout aussi bien que la défaite. » Amener d’autres Européens, c’était risquer de susciter des concurrents pour les premiers propriétaires. Or chacun voulait agrandir son domaine. Pour le mettre en culture, il ne lui fallait que des bras. En pouvait-il être de meilleurs que ceux de l’esclave, à la fois instrument et capital vivant, que seule manie la volonté du maître, tout en ayant le droit de l’aliéner à son gré ?

Constatons, au surplus, pour mieux prouver que ce sont surtout les colons qui ont empêché le développement du travail libre, ce qui s’est passé dans certaines colonies étrangères. « Encore aujourd’hui il existe à Cuba, à côté des riches planteurs, une population de petits créoles, semblables à ceux de la Réunion et se livrant aux travaux de la terre », écrit un

  1. T. XI, 227. Histoire du travail libre aux colonies (Extrait de l’Avenir de la Pointe-à-Pitre).