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chercher régulièrement eux-mêmes des nègres sur les côtes d’Afrique, ils durent se contenter d’acheter ceux que des Compagnies privilégiées et, parfois, des armateurs particuliers voulaient bien leur apporter. Comme en aucun cas ces trafiquants ne favorisèrent l’émigration des travailleurs libres, si même ils n’entravèrent pas les tentatives faites en ce sens par les gouvernants, il y a lieu de constater que les colons se virent imposer le système de l’esclavage comme unique moyen de cultiver leurs terres. Sans doute, ils en profitèrent et eux-mêmes en arrivèrent bientôt, par la force des choses, à ne plus concevoir d’autre manière de mettre le sol en valeur. Puis, quand l’esclavage fut devenu comme la base de la propriété aux Antilles, n’est-il pas naturel qu’ils s’en soient faits les plus acharnés défenseurs, puisque toute leur fortune en dépendait et que sa suppression leur apparaissait comme la ruine ?

Toutefois, nous affirmerons que l’esclavage a été un fléau pour tous, aussi bien oppresseurs qu’opprimés, et à tous les points de vue, social, économique et politique, aussi bien que philosophique et humanitaire.

On ne discute plus sur le principe même de l’esclavage. « L’illégitimité de la servitude, comme on l’a bien dit[1], est au petit nombre des vérités que l’Évangile, la science et la liberté politique ont rendues maîtresses de la conscience humaine dans toute l’Europe. « C’est pourquoi nous n’avons pas jugé à propos de reproduire les théories diverses émises sur cette question par les moralistes et les philosophes. Après avoir exposé l’organisation de l’esclavage dans les Antilles françaises, nous voudrions simplement indiquer quelles nous paraissent en avoir été les conséquences.

1° Tout d’abord, si on n’avait pas recouru aux noirs d’Afrique, la population des Antilles eût été entièrement changée. Nous pensons avoir démontré qu’il n’était pas

  1. A. Cochin, Abolition de l’esclavage, I, p. ix.