Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/468

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsque le progrès des idées humanitaires l’eut condamné. Mais on ne paraît guère y avoir songé sérieusement.

La classe des gens de couleur libres se juxtaposa donc à celle des blancs. Mais le Code Noir ordonnait en vain qu’il ne devait plus y avoir entre eux aucune différence légale. Non seulement le préjugé de couleur les marqua dans l’opinion publique d’une tache ineffaçable, mais il parvint à provoquer contre eux une série de mesures générales ou locales qui les maintinrent toujours à distance des blancs. Si l’égalité a été définitivement proclamée, on sait de quel œil sont même encore aujourd’hui regardés les sang-mêlé aux colonies.



II

Finalement, nous croyons pouvoir dire que l’esclavage moderne, avec les horreurs de la traite, a été aussi terrible pour les victimes, sinon même plus, que l’esclavage ancien. Or, à la différence de ce qui s’était passé dans l’antiquité[1], où la servitude était devenue une des conséquences naturelles de l’état social, rien ne justifiait chez les nations modernes cet odieux abus de la force. Il faut bien le reconnaître, c’est avant tout l’intérêt qui a guidé les Européens dans cet asservissement méthodique d’une race de civilisation inférieure par la race plus civilisée, du noir par le blanc, de l’idolâtre par le chrétien. Ne devons-nous pas ajouter que, par suite du progrès des temps et des idées, ils furent sciemment coupables ?

Il est juste de rappeler qu’à l’origine c’est la métropole qui institua l’esclavage. C’est elle, du moins, qui organisa la traite au profit exclusif des commerçants du royaume ; car jamais les habitants des îles ne furent autorisés à aller

  1. Pour tout ce qui est relatif à l’esclavage ancien, voir Wallon. Histoire de l’esclavage dans l’antiquité.