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ni legs. Qu’il soit ouvrier ou commerçant, c’est toujours le maître qu’il représente, et c’est le maître qui est responsable de ses actes. Mais lui n’a pas le droit d’assumer une responsabilité personnelle ; c’est pour cela que tous offices ou fonctions publiques lui sont interdits. En justice, il n’est autorisé à figurer que comme témoin ; encore est-ce à défaut de blancs et à la condition que son maître ne soit pas en cause. Quand il est compté comme tête, c’est à l’exemple du bétail, pour être assujetti à la capitation et aux corvées.

La loi est faite surtout pour se garantir contre lui. La contrainte exercée par le maître sur son habitation à l’aide du commandeur constamment armé du fouet ne suffit pas. Les esclaves sont le nombre, de 10 à 15 contre un. S’ils s’avisaient de raisonner, de se concerter, que deviendraient les blancs ? Aussi accumule-t-on toutes sortes de précautions contre eux. Il leur est interdit de circuler sans une permission écrite, de porter des armes, de s’attrouper. Mais, la plupart du temps, les maîtres ne se soucient guère de les livrer à la justice pour ces infractions aux règlements : car leur emprisonnement leur impose une perte, outre que certains châtiments mettent l’esclave dans l’impossibilité de travailler pendant un temps plus ou moins long. Ce n’est donc que pour les vrais délits ou crimes que l’action de la justice publique les atteint réellement. Ils sont coutumiers de vols, de violences, de meurtres, d’incendies et d’empoisonnements ; ce dernier crime, si fréquent aux Antilles, fut comme un produit spécial de l’esclavage. On les fustige, on les marque au fer rouge, on leur fait subir la question ordinaire et extraordinaire, on les pend, on les brûle, on les applique à la roue, on les écartèle. Les maîtres eux-mêmes inventent parfois pour les punir les supplices les plus atroces. Mais tous les moyens restent insuffisants pour assurer la sécurité générale. Tout dommage causé par ses esclaves, le maître est tenu de le réparer ; seulement, si c’est un crime qui entraîne contre eux la peine de mort, il est indemnisé de leur perte. Les