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I

Nous voici arrivé au terme de notre étude. Avant de conclure, il importe de récapituler les faits.

La traite des nègres commence vers le milieu du xve siècle. Les Français, imitant les Espagnols et les Portugais, l’introduisent aux Antilles deux siècles plus tard. Ils exploitent d’abord le sol au moyen des esclaves africains, concurremment avec des travailleurs libres européens ou engagés. Mais, peu à peu, les préjugés de l’intérêt les portent à écarter les blancs ; de même, ils renoncent prématurément à utiliser la population indigène des Caraïbes. C’en est fait : l’esclavage triomphe. — C’est surtout Colbert qui régularise et développe l’importation des noirs. Après lui, le gouvernement suit l’impulsion qu’il a donnée. Privilèges et primes ne cessent d’encourager les Compagnies. Malgré tout, les colons se plaignent qu’on ne leur apporte jamais assez de nègres. Personne, d’ailleurs, ne paraît songer au caractère immoral et inhumain de ce commerce.

Ainsi, voilà de malheureux êtres qui, pour la plupart, étaient libres chez eux[1], habitués à vivre au grand air, sans travailler, et, — ce qui est, je le veux bien, un médiocre idéal, — faisant du farniente, du laisser-aller à toutes les impulsions de la nature, la suprême jouissance. Assurément, ils ne seraient jamais allés bien loin dans la voie du progrès intellectuel et moral. Mais, survient le blanc, l’homme civilisé, l’envoyé de Dieu, s’il fallait en croire les motifs qui ont officiellement guidé les nations chrétiennes vers les côtes d’Afrique. Alors, au nom de je ne sais quel droit supérieur qui est, à proprement parler, celui de la force, mise au ser-

  1. S’il y en avait qui étaient déjà réduits en esclavage, c’étaient surtout des esclaves domestiques qui, nous l’avons vu, n’étaient pas d’ordinaire vendus aux Européens.