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Sade cite « un rapport anglais où il est dit qu’à Cuba les blancs cultivent le sucre concurremment avec les noirs ».

M. Émile Thomas, dans un rapport au Ministre de la Marine sur l’organisation du travail libre aux Antilles, écrit que l’erreur de l’impossibilité du travail européen sous le ciel des tropiques « mérite à peine qu’on la réfute[1] ». La même idée se trouve dans une note sur la colonisation blanche à la Guyane, de M. Pariset, ancien gouverneur de la colonie[2]. Avec lui nous la voyons encore confirmée dans un Mémoire des habitants de la Martinique, qui s’appuie sur les faits[3] : « Même à l’origine de notre établissement aux Antilles, la population de Saint-Christophe s’était tellement accrue en peu d’années qu’elle conquit, contre des forces imposantes, la partie anglaise de cette île, qu’elle détruisit plusieurs escadres espagnoles, ravagea les riches établissements de la côte ferme, porta l’épouvante jusque dans la mer du Sud et fonda, malgré le désaveu de la France, la magnifique colonie de Saint-Domingue. Si, plus tard, la population blanche resta stationnaire, et même décrut, c’est que l’on négligea les sages règlements de Colbert et que toutes les primes, toutes les faveurs furent accordées aux importations d’Africains. » À ce propos, nous ferons simplement la remarque qu’en réalité c’est Colbert qui a donné la plus vive impulsion au développement de l’esclavage et par là commencé à faire diminuer l’émigration européenne. Du reste, en envoyant des engagés, le gouvernement ne semble pas avoir eu alors la pensée de créer aux Antilles le travail européen, mais bien plutôt d’y constituer la propriété européenne. C’est pour

  1. Commission coloniale, 1849-1851, p. 31 du Rapport.
  2. Ib., p. 6 et 7 de la note. Il dit, précisément à propos des anciens colons des Antilles : « Il n’y a aucun doute que cette population se fût développée sur ce sol, comme les Portugais à Madère et les Espagnols aux Canaries, et qu’elle eût colonisé les autres îles, la Martinique et la Guadeloupe, que nous commencions à occuper, si on n’avait imaginé d’aller chercher les nègres de l’Afrique. »
  3. Ib., p. 10.