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dance générale, vers la fin de l’ancien régime, à améliorer la situation des gens de couleur libres.

S’il leur arrivait à eux-mêmes de se livrer à la moindre voie de fait sur un blanc, le châtiment était, cela va sans dire, des plus sévères. Ainsi un mulâtre libre fut condamné à être fouetté, marqué et vendu au profit du roi pour avoir battu un blanc, chantre de la paroisse de Jacmel[1]. La perte de la liberté était la punition qui menaçait sans cesse les affranchis ou même leurs descendants et qui rendait précaire la condition d’un grand nombre d’entre eux. Ils pouvaient être déchus de la liberté non seulement pour des délits commis par eux-mêmes, mais pour avoir recelé des esclaves et leurs vols[2].

Ce qu’il y a de curieux à remarquer, c’est que les esclaves sang-mêlé en étaient arrivés eux-mêmes à partager le préjugé de couleur. « Il n’est pas un nègre qui osât acheter un mulâtre ou un quarteron, dit Moreau de Saint-Méry[3] ; si cette tentative pouvait avoir lieu, l’esclave préférerait le parti le plus violent, la mort même, à un état qui le déshonorerait dans sa propre opinion. » Singulier point d’honneur ! Tant il est vrai que le blanc était considéré par lui comme une espèce supérieure ! La Révolution française a changé ces idées ; l’égalité des races a été proclamée ; mais encore aujourd’hui le préjugé de couleur est loin d’avoir disparu dans nos colonies, de même que dans tous les pays où les noirs ont été importés comme esclaves et ont produit des sang-mêlé.


  1. Moreau de Saint-Méry, V, 84, 22 janvier 1767.
  2. Durand-Molard, I, 69. Déclaration du roi, 10 juin 1703 ; — Moreau de Saint-Méry, III, 159, 8 février 1726 ; — V, 165, arrêt du Conseil du Cap, 23 mars 1768, condamnant pour ce fait un nègre nommé Hercule ; — Arch. Col., F, 251, p. 877, arrêt condamnant un nègre libre à être vendu ainsi que sa famille, sans que la cause soit indiquée, 7 novembre 1718.
  3. Arch. Col, F, 156. Discours sur les affranchissements, prononcé dans l’assemblée publique du Musée de Paris, 7 avril 1785.