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Victoire. Elle a épousé, en 1766, un mulâtre libre. Les deux époux réclament, en 1767, au fils Dausseur, le paiement de la pension. Celui-ci, condamné, fait appel ; mais la décision est confirmée le 12 janvier 1768. Alors Dausseur en appelle au roi ; il invoque tous les textes et se livre à une subtile discussion de droit. Malgré tout, un arrêt du Conseil d’État, du 23 avril 1774, le déclare non recevable en sa demande. Qu’est donc devenue la défense de faire des donations aux affranchis ?

Une question souvent agitée à propos des gens de couleur fut celle du droit de capitation, auquel ils prétendirent de tout temps se soustraire. Il semble bien, d’après le Code Noir, qu’ils ne dussent pas plus y être astreints que les blancs. Mais ce point fut continuellement remis en discussion. Dès 1688, les mulâtres de Saint-Christophe se refusent à payer le droit. Le gouverneur général des îles écrit à l’intendant Dumaitz[1] pour lui demander son avis à ce sujet. « On prétend, dit-il, que les officiers des Conseils favorisent ces exemptions, à cause du grand nombre de ces mulâtres qu’ils ont à leur service. » Or il rappelle une ordonnance de l’intendant Begon, de juillet 1684, qui déclare la capitation obligatoire pour les mulâtres. Il est vrai que cette ordonnance a spécialement exempté ceux de Saint-Christophe, par la raison qu’ils étaient utiles pour défendre les quartiers français et pour les empêcher de passer chez les Anglais ; cette mesure a été confirmée par arrêt du Conseil supérieur de cette île, du 13 mai 1688[2]. L’exemption est étendue aux autres îles, le 26 avril 1712, par l’intendant général, pour les esclaves affranchis et leurs enfants[3]. Mais une Déclaration royale, du 3 octobre 1730[4], les y soumet de nouveau ; elle sera de « 100 livres de sucre brut poids de marc ». En 1738, une sédition éclate à ce sujet

  1. Arch. Col., C8, 5. Lettre du 10 novembre 1688.
  2. Ib., C8, 8. Mémoire de Blenac et de Goimpy, 19 avril 1694.
  3. Ib., F, 251, p. 61.
  4. Durand-Molard, I, 357.