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que le Code Noir permettait même le mariage entre blancs et esclaves. Nous savons, d’autre part, que c’était un procédé courant pour certains colons peu délicats que d’épouser une femme de couleur libre, ayant des économies[1]. Il faut donc croire qu’en réalité la défense ne s’appliquait qu’à certains cas particuliers, que nous n’avons, du reste, vus spécifiés nulle part.

Un arrêt du Conseil souverain de la Martinique[2] défend à tous officiers publics de qualifier les gens de couleur des titres de sieur et dame. — On voulut, de plus, les empêcher d’imiter les blancs par le luxe de leurs vêtements. « Tous mulâtres indiens et nègres affranchis, ou libres de naissance, de tout sexe, — dit un règlement de la Martinique[3], — pourront s’habiller de toile blanche, ginga, cotonille, indiennes ou autres étoffes équivalentes de peu de valeur, avec pareils habits dessus, sans soie, dorure, ni dentelle, à moins que ce ne soit à très bas prix ; » les derniers ne devront avoir que des chapeaux, chaussures et coiffures simples, sous peine de prison et confiscation, et même de perte de la liberté en cas de récidive. Mais il était bien difficile de refréner l’amour des noirs pour la toilette. Nous constatons, par un autre règlement, du 9 février 1779[4], que, malgré ces mesures prohibitives, le luxe des gens de couleur est devenu extrême. Les administrateurs remarquent, à ce propos, qu’ils ne sont dignes de la protection du gouvernement qu’à la condition qu’ils « se contiennent dans les bornes de la simplicité, de la décence et du respect, apanage essentiel de leur état ». Aussi leur est-il enjoint (art. 1) « de porter le plus grand respect… à tous les blancs en général… à peine d’être punis même par la perte de la liberté, si le manquement le mérite ». Il leur

  1. Hilliard d’Auberteuil. op. cit., II, 79, parle de 300 blancs ayant épousé des filles de sang-mêlé, par cupidité, à Saint-Domingue.
  2. Arch. Col., F, 262, p. 663, 6 novembre 1781.
  3. Durand-Molard, I, 139, 4 juin 1720.
  4. Moreau de Saint-Méry, V, 855.