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datées du 20 mai 1781[1]. « Les personnes les plus réfléchies considèrent aujourd’hui les gens de couleur comme la barrière la plus forte à opposer à tout trouble de la part des esclaves. Cette classe d’hommes mérite, selon leur opinion, des égards et des ménagements, et elles penchent pour le parti de tempérer la dégradation établie, de lui donner même un terme. Cet objet délicat mérite une méditation profonde. Sa Majesté recommande aux sieurs de Clugny et Foulquier de s’en occuper essentiellement et de recueillir les sentiments des Conseil supérieur, de la Chambre d’agriculture et des habitants qu’ils jugent les plus dignes de leur confiance… » La Constituante allait bientôt, en effet, déclarer que les gens de couleur libres sont citoyens au même titre que les blancs, en attendant la mesure plus radicale de la Convention proclamant la liberté de tous les esclaves. Mais ce serait sortir des limites de notre sujet que de rapporter ici ces mesures. Il nous suffira donc d’exposer comment les sang-mêlé furent à la fois avilis et pourtant protégés par le gouvernement, ce qui, tout en paraissant une inconséquence, fut en réalité la suite d’un plan bien combiné pour mieux assurer leur soumission vis-à-vis des blancs et celle des esclaves à leur égard.



V

Tout d’abord, les gens de couleur étaient soumis, comme c’est naturel, à la vérification des titres servant à prouver leur liberté. C’était là une simple mesure de police pour éviter les abus ; elle fut assez fréquemment renouvelée[2], et nous

  1. Arch. Col., F, 72. L’extrait que nous citons est reproduit textuellement dans un Mémoire du roi adressé, le 2 juin 1785, à MM. Bessner et Lescallier. À chaque instant, d’ailleurs, nous avons constaté ce fait pour des instructions répétées dans les mêmes termes.
  2. Durand-Molard, I, 160, Ordonnance des Administrateurs de la Martinique, 7 juillet 1720 ; II, 105, 1er septembre 1761 ; III, 186, 29 décembre 1774.