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deux mois de prison. — Un autre, ayant adressé le même reproche à un commandant des milices, est astreint à faire une réparation publique et à payer 300 livres d’amende et 1.500 livres de dommages-intérêts[1]. — Les nommés Guiran et Hattier, « convaincus d’avoir faussement et malicieusement dit et répandu dans le public que les dames Dufourcq (celle-ci était la femme d’un membre du Conseil du Petit-Goave) et Wis, et le sieur Abraham (capitaine de milice) étaient entachés de sang-mêlé, pour réparation de quoi seront mandés en la chambre du siège royal du Petit-Goave… et là, nu-tête et à genoux, en présence de dix personnes au choix des plaignants, demanderont pardon aux sieur et dame Dufourcq, au sieur Abraham et à la dame Wis, de l’injure atroce qu’ils ont proférée contre eux, les prieront de vouloir bien l’oublier et les reconnaîtront, ainsi que toute leur famille, pour gens d’honneur, non entachés de sang-mêlé par parenté ni par alliance ; seront ensuite lesdits Guiran et Rattier blâmés… » De plus, ils seront condamnés à une aumône de 2.500 livres chacun envers l’hôpital, à 4.000 livres de dommages-intérêts chacun envers la dame de Wis et aux dépens du procès. Les intéressés avaient, comme dans la plupart des cas, le droit de faire publier et afficher le jugement.

Nous allons montrer, par quelques documents caractéristiques, combien cette opinion était entrée peu à peu dans les vues du pouvoir central. Nous avons choisi nos textes à dessein dans la seconde moitié du xviiie siècle, à un moment où il semble que, dans la métropole, les idées dussent commencer à se dégager des préjugés. Le gouverneur de Cayenne, Maillart, ayant demandé à quelle génération les sang-mêlé doivent rentrer dans la classe des blancs et peuvent être exempts de capitation, le Ministre lui répond, le 13 octobre 1766[2] : « Il faut observer que tous les nègres ont été

  1. Arch. Col., F, 271, p. 863. Arrêt du Conseil du Port-au-Prince, 6 novembre 1753.
  2. Ib., B, 123, Cayenne, p. 42.