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cette condescendance a des bornes que l’intérêt de la culture et les droits de la propriété doivent fixer… — Les esclaves sont, comme tous les autres biens, des objets de propriété dont on ne peut dépouiller aucun citoyen sans son consentement… » D’autre part, le système de M. de La Croix « détruirait l’amour des bonnes actions, qui ne serait plus excité par l’attrait des récompenses et rendrait impossible le recrutement des compagnies de gens de couleur. L’établissement des nègres révoltés de Surinam, s’il a lieu comme je le pense, suppléera au surplus, par la suite, les compagnies de gens de couleur. »

Malgré tout, il y a toujours abus, du moins au gré du gouvernement. Les mêmes recommandations ne cessent d’être faites aux administrateurs[1]. Dans une lettre du 6 avril 1786[2], le Ministre explique que Sa Majesté n’a pas voulu interdire les affranchissements par testament et priver les esclaves de jouir de la faculté qu’accorde l’article 56 du Code Noir ; mais Elle recommande d’être très difficile pour l’homologation des libertés accordées. — De même, Elle prescrit de rejeter toutes les demandes contraires aux règlements et de lui faire connaître le nombre de celles qui auront été accueillies[3]. En 1785, il a été donné 845 libertés, rien que pour Saint-Domingue, dont 203 gratis et 108 à un prix modéré. C’est un abus, et il y aura lieu de se conformer aux règlements en vigueur. « Je vous prie, au surplus, ajoute le Ministre, de m’adresser tous les six mois, à compter du 1er janvier dernier, un état exact de toutes les libertés que vous aurez jugé convenable d’accorder, en spécifiant les motifs des différentes grâces, pour que je puisse rendre compte à Sa Majesté de l’exécution de ses volontés. » — Enfin, une ordonnance des administrateurs de la Guade-

  1. Arch. Col., F, 263 (pas de pagination). Extrait des registres du Conseil souverain de la Martinique, 11 novembre 1785.
  2. Ib., ib.
  3. Ib., B, 192, Saint-Domingue, p. 159. Lettre à MM. le comte de la Luzerne et de Marbois, 10 août 1786.