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Domingue, d’après Moreau de Saint-Méry[1], le nombre des affranchis était, en 1703, de 500 ; en 1715, de 1.500 ; en 1770, de 6.000 ; en 1780, de 22.000 ; et, vers 1789, de 28.000. Une note manuscrite du même auteur, que nous avons rapportée à la page 139, donne 25.000, au lieu de 22.000 pour cette île vers 1780, et 36.400 à cette date pour toutes les Antilles françaises. Du reste, leur plus ou moins grand nombre variait suivant les périodes et dépendait surtout des dispositions des administrateurs. Au moment où nous sommes, par exemple, pour Cayenne, de Fiedmont et Malouet ne s’entendent en aucune façon. Entre leurs différentes manières de voir, le Ministre adopte un moyen terme. Le résumé de sa lettre, du 3 septembre 1776[2], va nous éclairer sur ces dissentiments : M. de Fiedmont, persuadé que ce n’est qu’à l’aide des compagnies de gens de couleur libres qu’on peut arrêter les marrons, aurait voulu accorder toutes les permissions d’affranchissement et même « pouvoir donner, sans le consentement des maîtres, la liberté aux esclaves qu’il aurait jugés les plus propres à servir dans ces compagnies ». — « M. de La Croix, ayant reconnu, au contraire, que les nègres ne profitaient de la liberté qu’ils obtenaient que pour se livrer à la paresse, à la débauche et au libertinage, a regardé la multiplicité des affranchissements comme nuisible aux progrès de la culture et aux bonnes mœurs. » Aussi n’a-t-il accordé son consentement que dans de rares cas, et il a proposé de n’affranchir les hommes qu’à soixante ans, les femmes qu’à quarante. Les sentiments de ces deux administrateurs sont également exagérés. En effet, « la position de la Guyane qui, par l’immensité de ses forêts, facilite le marronage des esclaves, paraît exiger, de la part du gouvernement, plus de condescendance pour les affranchissements que dans nos autres colonies, afin d’augmenter ou du moins d’entretenir les compagnies des gens de couleur libres ; mais

  1. Description de Saint-Domingue, I, 79.
  2. Arch. Col., B, 156, Cayenne, p. 42.