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autre expédient pour venir à la même fin. » Ce serait, comme l’explique le Ministre, de déclarer nuls tous les billets de liberté non visés par le gouverneur et l’intendant, à qui l’on prescrirait en secret de ne les viser que pour les motifs ci-dessus.

À propos du recensement de 1733 comparé à celui de 1732, le Ministre constate encore[1], en écrivant au marquis de Fayet, « une augmentation considérable sur le nombre des nègres et mulâtres libres ». Puis, il lui recommande d’être extrêmement circonspect et de n’accorder des libertés qu’en parfaite connaissance de cause. Dans une autre lettre[2], il ajoute : « J’approuve qu’en observant de ne point permettre de donner la liberté aux nègres hors dans certains cas, vous n’en usiez pas de même avec les mulâtres ; je sais qu’ils sont ennemis déclarés des nègres. »

Une ordonnance royale, du 15 juin 1736[3], renouvelant celle du 24 octobre 1713, interdit, en outre, de baptiser comme libres des enfants dont la mère ne serait pas manifestement affranchie. C’était un des moyens qu’on employait le plus fréquemment pour échapper à la nécessité d’obtenir l’autorisation des administrateurs. Cette ordonnance est commentée dans une lettre à MM. de Champigny et d’Orgeville[4]. Le Ministre rappelle d’abord les dispositions libérales du Code Noir. « Mais, dit-il, depuis que les esclaves ont été en plus grand nombre, l’on a reconnu qu’il y avait des maîtres qui mettaient leur liberté à prix d’argent et des esclaves qui, pour se la procurer, cherchaient à avoir de l’argent par toutes sortes de voies. » Il n’a pas été tenu un compte suffisant de l’ordonnance de 1713. On a affranchi sans permission ou baptisé comme libres des enfants de mères esclaves. Aussi a-t-on proposé de rechercher ceux qui ont été ainsi indûment affranchis depuis 1713, et de les confisquer au

  1. Arch. Col., B, 61, Saint-Domingue, p. 437. Lettre du 29 juin 1734.
  2. Moreau de Saint-Méry, III, 420, 29 mars 1735.
  3. Durand-Molard. I, 397.
  4. Arch. Col., B. 64, Îles-du-Vent, p. 324, 20 juin 1736.