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du Code Noir fut, il est vrai, modifiée par deux ordonnances royales, du 15 décembre 1721 et du 1er février 1743, qui interdirent aux mineurs de vingt-cinq ans, même émancipés, d’affranchir leurs esclaves. Toutefois, il ne s’agit ici que des nègres « servant à exploiter les habitations » et non des domestiques ou de ceux qui exercent des métiers[1]. L’article 56 porte, en outre : « Les esclaves qui auront été faits légataires universels par leurs maîtres ou nommés exécuteurs de leurs testaments, ou tuteurs de leurs enfants, seront réputés et tenus, les tenons et réputons pour affranchis[2]. »

On ne paraissait pas s’être rendu encore un compte bien exact du nombre des causes variées qui devaient produire l’affranchissement et devenir à la longue un danger pour les îles. Les législateurs pensaient sans doute que l’intérêt suffirait à arrêter les maîtres dans cette voie. Mais, d’un côté, ils ne se préoccupaient pas assez de leurs passions ; de l’autre, ils ne réfléchirent pas assez que, dans bien des cas, il importe peu à un maître de rendre libre un de ses esclaves après sa mort, surtout étant donné qu’au début il y avait peu de familles régulièrement constituées. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire d’indiquer tout d’abord les motifs qui poussaient les maîtres à affranchir leurs esclaves. Nous remarquerons qu’ils sont à peu près les mêmes dans l’esclavage moderne que dans l’esclavage ancien ; car, au fond, sous la variété des institutions des différents peuples, la nature humaine reste sensiblement identique, et l’histoire doit s’éclairer à chaque instant de la psychologie.

Du moment que le sort de l’esclave dépend uniquement de la volonté d’une personne, il est subordonné à son caractère. Il est naturel qu’un maître, qui a été fidèlement servi durant de longues années ou soigné dans une maladie par son esclave, éprouve le besoin de le récompenser par le don

  1. Trayer, op. cit., p. 82.
  2. Cf. Instit., II, xiv, 1 : Servus autem a domino suo heres institutus, si quidem in eadem causa manserit, fit ex testamento liber heresque necessarius.