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riches propriétaires[1] ; en 1780, un d’entre eux faisait partie du Conseil souverain de la Martinique[2]. Ils auraient donc pu fournir un fond solide de population blanche travailleuse et destinée à se développer régulièrement, si on les eût traités de manière différente et que la métropole eût entretenu un courant régulier et continu d’émigration[3].

Mais, dès 1706, par suite de la guerre qui rendait le recrutement plus difficile, le roi remplaça l’obligation de transporter des engagés par une taxe de 60 livres par tête[4]. L’ordonnance du 15 février 1724[5] les astreint à payer 120 livres par chaque « engagé de métier » qu’ils ne livreront pas aux îles. Suivant l’article XI d’un Règlement du roi, du 15 novembre 1728[6], « les particuliers embarqués par ordre du roi ou les soldats compteront sur le pied d’un engagé chacun ». Du reste, à partir de ce moment, les ordonnances tombent en désuétude ; il se produit les plus grands abus[7], et l’on peut dire que c’en est fait désormais du système des engagés, jusqu’à ce

  1. Charlevoix, III, 74.
  2. Duval, op. cit., p. 45.
  3. D’après un mémoire de M. de Pouancey, en 1682, il y avait à Saint-Domingue 7.848 habitants, dont plus de 4.000 Français capables de porter les armes. « Le soin que les habitants ont pris de faire passer à la côte grand nombre d’engagés est ce qui a le plus contribué à les peupler de Français. Si on y avait porté quantité de nègres, les habitants s’en seraient fournis et auraient négligé de faire venir de France des engagés qui leur coûtent beaucoup plus cher que les nègres. Ainsi la colonie serait demeurée faible et exposée aux insultes des Espagnols. » Il demande ensuite qu’il ne soit pas permis d’avoir plus de nègres que d’engagés. Arch. Col., F, 142. — Sur un état des vaisseaux arrivés à la Martinique pendant les six derniers mois de 1717, Arch. Col., C8, 25, il est mentionné, rien que pour cette période, 203 engagés. À 4 ou 500 par an, on aurait eu rapidement un nombre important de travailleurs. — Dans une table des ordres de passage, expédiés pour les colonies à la place d’engagés, en 1763, nous voyons qu’il y avait 1.284 places d’engagés ; mais ils ne sont remplacés que par 500 passagers. Arch. Col., B, 117.
  4. Moreau de Saint-Méry, II, 711. Ordonnance royale du 17 novembre 1706. — Arch. Col., B, 31, p. 66. Lettre ministérielle, du 16 mai 1708, aux juges consuls de Nantes.
  5. Moreau de Saint-Méry, III, 85.
  6. Id., ibid., 264.
  7. Id., ibid., 378. Lettres de M. le général au gouverneur du Cap, 20 et 28 octobre 1733.