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IV

Mais ce n’était pas sans difficulté qu’on pouvait garder les nègres en dépôt. Nous le voyons par un questionnaire qu’on avait adressé à chaque port[1]. Le Ministre demande quel est le lieu le plus propre à leur servir d’abri. Dans le cas où ce devrait être la prison, Sa Majesté ne veut pas qu’ils soient traités comme les criminels, ni confondus avec eux. Suit une série de questions, auxquelles il est fait des réponses assez variables. Quel sera le prix de la nourriture ? Quel sera le prix du gîte à payer au concierge, lequel fournira un matelas, une couverture, deux draps et un traversin garni de paille, à raison de deux noirs par lit ? En cas de maladie, où seront-ils traités ? Y a-t-il un hôpital ? Quel sera le prix de la journée ? Celui de l’écrou ? Dans quelle forme les noirs seront-ils conduits du vaisseau au dépôt et réciproquement ? Quel est le prix du passage et de la nourriture ? Enfin la déclaration paraît-elle présenter des difficultés ?

Une des réponses les plus caractéristiques est celle du sieur Cholet, procureur du roi de l’Amirauté de Bordeaux, en date du 18 septembre 1777. « L’Amirauté de Bordeaux n’a d’autres prisons que celles du Palais ; mais elles sont si affreuses que la seule idée d’y renfermer les noirs révolte l’humanité. Les prisonniers y sont rongés de gale et de vermine », et le procureur du roi craint que les noirs n’y apportent de plus le scorbut. Le Ministre lui répond, le 25 octobre, par une lettre où il lui exprime tout son mécontentement à ce sujet ; et le 18 novembre, le sieur Cholet lui fait savoir qu’il a pris tous les arrangements nécessaires. Il avait parlé de 20 sols pour la nourriture ; mais on ramène le chiffre à 12, à raison du prix des denrées (tandis qu’il n’est que de 6 dans la plupart des

  1. Arch. Col. F6, vol. 2.