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France aux esclaves et aux nègres libres. Il est constaté une fois de plus que les esclaves ne sont guère instruits en la religion ni dans les métiers qu’on avait déclaré vouloir leur faire apprendre. Les ordres nécessaires ont été donnés pour que l’expulsion totale ait lieu au plus tard au mois d’octobre prochain, à peine de confiscation, à cause de l’abus des sang-mêlé. En conséquence, le général et l’intendant de la Guadeloupe[1] promulguent, le 1er mars 1764, une ordonnance défendant le transport en France des gens de couleur libres et esclaves ; ils disent que, les gens de couleur s’étant multipliés outre mesure en France, « il en résulte un sang-mêlé qui augmente journellement ». Cependant l’administrateur Fénelon proteste[2] contre la mesure prise de renvoyer tous les nègres aux colonies. « Il y aurait, je crois, écrit-il, de grands inconvénients de faire repasser dans les colonies les nègres qui sont en France… Le retour des nègres de France dans les colonies nous inonderait de fort mauvais sujets trop instruits. » Dans un Mémoire du roi servant d’instruction aux administrateurs de la Martinique[3], il est recommandé d’empêcher le transport des esclaves en France, « où cette espèce s’est étrangement multipliée » ; car il importe essentiellement de ne les occuper qu’à la culture des terres.

Mais le gouvernement lui-même ne s’attachait pas à une prohibition absolue. En effet, la correspondance de Saint-Domingue contient une circulaire, du 30 septembre 1766[4], au sujet du paiement qui doit être fait de la somme de 3.000 livres par chaque nègre qui sera emmené en France, et que les habitants des colonies négligeront de renvoyer. On recommande de tenir rigoureusement la main à ce que les ordres donnés par M. de Choiseul à ce sujet soient exécutés. — Un règlement de l’intendant[5] prescrit de consigner 4.500 livres

  1. Arch. Col., Recueil des lois particulières à la Guadeloupe, F, 236, p. 707.
  2. Ib., Colonies en général, F, 90. Lettre au Ministre, 11 avril 1764.
  3. Durand-Molard, II, 342, 25 janvier 1765.
  4. Arch. Col., B, 123, p. 154.
  5. Moreau de Saint-Méry, V, 267, 29 août 1769, Port-au-Prince.