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n’est là qu’une indemnité et que le fugitif doit être rendu à son maître[1] ». C’est une erreur évidente, comme le prouvent les documents que nous venons de citer et dont il semble n’avoir pas eu connaissance. D’ailleurs, nous ferons observer que c’est bien en effet à peu près le prix des nègres à cette époque, tel que nous avons pu l’évaluer approximativement (livre I, ch. iv).

Le 12 octobre 1696[2], le Ministre écrit à M. Robert, intendant à la Martinique : « Je n’ai trouvé aucune ordonnance qui permette aux habitants des îles de conserver leurs nègres esclaves en France, lorsqu’ils se veulent servir de la liberté acquise à tous ceux qui en touchent la terre. » Il faut croire que l’administrateur, dans une lettre que nous n’avons pas retrouvée, demandait des renseignements sur ce point, et, sans doute, si tel ou tel habitant pouvait emmener avec lui des nègres sans risquer de les perdre. En tout cas, la réponse est très positive et nous renseigne de la façon la plus formelle sur la question. D’ailleurs, c’est ce que confirme une autre lettre ministérielle, du 5 février 1698[3], à M. Ducasse. Cette lettre traite en même temps de la question de la liberté à accorder aux mulâtres. Non seulement les esclaves deviennent libres par le seul fait de débarquer en France, mais ils ne peuvent être contraints de retourner aux îles ; ceux qui, ayant été emmenés petits dans le royaume, seront renvoyés aux îles pour être vendus, ne pourront être privés de la liberté qui leur était acquise[4].

Voici un cas spécial : il s’agit des nègres revenus de l’expédition de Carthagène. « Le roi veut bien que les nègres, qui ont été à l’expédition de Carthagène et qui sont revenus, après avoir été pris par les ennemis, ou ont repassé par la France, soient affranchis, à condition que ce qui appartient

  1. Op. cit., p. 92.
  2. Arch. Col., F, 249, p. 818.
  3. Moreau de Saint-Méry, I, 579.
  4. Arch. Col., B, 21, p. 51 ; — et F, 249, p. 926. Lettre ministérielle à M. Robert, 12 mars 1698.