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à peu près entièrement accomplie en France à cette époque. Le principe de la liberté personnelle triomphait définitivement. D’après les termes mêmes employés par le roi, « selon le droit de nature, chacun doit naître franc… Considérant que notre royaume est dit et nommé le royaume des Francs, et voulant que la chose en vérité soit accordant au nom et que la condition des gens amende de nous, etc. » Donc, depuis lors, la loi générale du royaume avait été qu’il ne pouvait plus y avoir de personnes liées à d’autres personnes par les liens de la servitude ancienne et primitive. Mais qui pouvait prévoir que la nation très chrétienne des Francs ferait elle-même revivre l’esclavage, sinon sur le territoire propre du royaume, du moins en des pays proclamés terre française ? Encore dans ces « climats infiniment éloignés de notre séjour ordinaire », comme dit le préambule du Code Noir, l’esclavage rétabli aux dépens de la malheureuse race noire ne paraissait pas trop choquant ; l’horreur ne nous touche très vivement que de près. Puis le voile de la religion couvrait tout. Mais les colons, qui s’étaient expatriés pour aller chercher fortune dans les lointaines Antilles, n’avaient pas abandonné le sol de la patrie sans esprit de retour. Bien plus, dès le début, il arriva que la plupart de ceux qui avaient fait leur fortune aux îles voulurent revenir en jouir en France ; à tout témoins, les uns et les autres y étaient ramenés momentanément par leurs intérêts, le souci de leur santé ou le désir de la distraction. Alors ils amenèrent avec eux des serviteurs nègres. D’autre part, les capitaines de navire, soit curiosité, soit spéculation, en embarquèrent pour la France. Ainsi se posa la question : Quelle était, une fois qu’ils avaient débarqué sur le sol du royaume, la situation de ces nègres ? Le principe n’était pas douteux : ils devaient être libres. Mais nous allons voir que, dans la pratique, on ne tarda pas à s’ingénier pour l’éluder.

Le premier document que nous ayons trouvé concernant des esclaves amenés en France est une lettre adressée, le