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fut appliquée pendant un certain temps[1]. Mais elle fut sensiblement adoucie pour les Îles-sous-le-Vent par une Déclaration royale du 8 février 1726[2], en vertu de laquelle le coupable seul perdait la liberté, et encore dans le cas seulement où il n’aurait pu payer l’amende fixée à 300 livres de sucre par chaque jour de recel[3]. Elle paraît pourtant être restée en vigueur à Saint-Domingue, comme tendraient à le prouver deux arrêts du Conseil du Cap, du 7 avril 1758 et du 23 mars 1768[4].

En somme, les maîtres durent toujours être sur le qui-vive. Non seulement ils avaient à craindre les esclaves partis en marronage, mais ils étaient exposés à des complots et révoltes de ceux qui restaient sur les habitations. Cependant nous ne voyons pas que les noirs soient jamais arrivés à réussir dans leurs tentatives réitérées pour secouer le joug qui les opprimait. « Leurs desseins seraient impénétrables, écrit l’auteur de l’Essai sur l’esclavage[5], s’ils n’étaient découverts par des femmes maîtresses de blancs auxquels elles sont ordinairement fort attachées. — La danse appelée à Surinam Watur mama, et dans nos colonies la mère de l’eau, leur est sévèrement interdite. Ils en font un grand mystère, et tout ce qu’on en sait, c’est qu’elle échauffe beaucoup leur imagination. Ils s’exaltent à l’excès lorsqu’ils méditent un mauvais dessein. Le chef du complot entre en extase jusqu’à perdre connaissance ; revenu à lui, il prétend que son dieu lui a parlé et lui a commandé l’entreprise ; mais, comme ils n’adorent point le même

  1. Cf. Ord. de M. Gabaret. Arch. Col., F, 250, p. 867, 1er août 1710 ; — et deux arrêts du Conseil de la Martinique, des 6 mars et 7 septembre 1719, F, 251, pp. 975 et 1039.
  2. Moreau de Saint-Méry, III, 159.
  3. L’article 34 du Code Noir spécial à la Louisiane — mars 1724 — contenait déjà cette modification ; seulement l’amende était de 30 livres par jour de rétention pour les affranchis et de 10 livres pour les autres personnes. Cf. Code Noir, éd. de 1788, p. 291.
  4. Moreau de Saint-Méry, IV, 225, et V, 165.
  5. Arch. Col., F, 129.