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réclamé ; la nation qui le garde devra seulement payer sa valeur et pourra ensuite le vendre. Le même traité renferme aussi des règles généralisées aujourd’hui en matière d’extradition : si l’esclave qui s’est réfugié hors de son pays allègue pour prétexte de sa fuite les poursuites judiciaires exercées contre lui à raison de quelque crime qu’il aurait commis, il sera tout de même livré ; mais le gouverneur de la nation qui le réclamera donnera auparavant sa caution juratoire qu’il sera considéré comme encore dans l’asile où on l’a arrêté, c’est-à-dire qu’on ne le châtiera pas pour le délit commis, « à moins que ce ne soit pour un crime atroce, ou de ceux qui sont exceptés par des traités et par le consentement général des nations[1] ».

Nous n’avons pas trouvé de convention conclue avec les Hollandais, et peut-être n’y en a-t-il pas eu effectivement. Le marronage et les soulèvements étaient très fréquents chez eux, et ils ne les réprimaient « qu’en versant des torrents de sang[2] ». La France semble avoir cherché à certains moments à profiter de cette barbarie, qui poussait un grand nombre de leurs esclaves à s’enfuir ; c’est du moins ce qui résulte du témoignage suivant : « Les nègres de Surinam s’étant révoltés et attroupés, on fut obligé de s’armer contre eux. En 1773, toutes les milices d’un régiment de troupes réglées essayèrent vainement de les soumettre. Il fallut faire avec eux une paix honteuse, qu’ils ont violée continuellement depuis. — En 1776, il en passa 3.000 dans la Guyane française. Depuis, 400 autres y passent encore ; enfin, encore 200 autres. On dit que ces 3.600 sont autres que ceux avec lesquels on a capitulé. Un nommé Cadet, député secrètement par les administrateurs, va, en 1783, pour traiter avec eux. Il les amène à se confier aux Français et, pour gage de la foi promise, un chef et lui se font tirer du sang qu’on mêle dans un vase et qu’ils boivent ensuite. Une lettre du Ministre,

  1. Trayer, op. cit., p. 62.
  2. Arch. Col., F, 129 : Essai sur l’esclavage, p. 114.