Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marrons conduits par un des leurs, Gabriel, qui se fait appeler M. le Gouverneur. Il avait réuni également autour de lui plusieurs Indiens. Un d’entre eux, esclave, le dénonce. On prend un Indien et cinq Indiennes, dont deux étaient femmes dudit Gabriel, et on les condamne à diverses peines. Un autre nègre, nommé Jacob, appartenant aux Ursulines[1], ayant attiré des nègres dans sa cave, leur avait donné à boire et à manger, avait pris le titre de général, et « avait fait, de sa propre confession, des sortilèges et secrets diaboliques ». Il fut condamné à être rompu vif, ainsi que plusieurs de ses complices ; leurs têtes et leurs mains devaient être exposées sur des fourches. Le procureur général requit que le gouverneur fût tenu de faire une chasse continuelle aux marrons. Une lettre de M. Gabaret[2] rend compte des poursuites qu’il fait contre les marrons et parle d’une conspiration qu’il a découverte de 200 nègres prêts à brûler le bourg Saint-Pierre. Le Ministre approuve[3] la sévérité dont on fait preuve à l’égard des marrons et recommande de continuer à les rechercher. Plusieurs sont encore condamnés pour rébellion[4].

À côté de ces mesures impitoyables, nous constatons pourtant qu’on ménage parfois les nègres marrons. Ainsi le gouverneur général de la Martinique, dans des Instructions qu’il donne au colonel d’un régiment de milices[5], le 9 février 1713, lui recommande de se montrer aussi humain que possible, d’autant que « la plupart des nègres marrons y ont été forcés par l’injustice, l’avarice et la dureté de leurs maîtres ». Aussi ne devra-t-on tirer sur eux qu’en cas d’absolue nécessité. D’après un arrêt du Conseil de Léogane, du 3 septembre 1714[6], les esclaves tués en marronage autrement que

  1. Arch. Col., F, 250, p. 819, 28 juillet 1710. Conclusions définitives du procureur général du roi au procès des nègres de la Martinique, accusés de révolte contre les blancs.
  2. Ib., ib., 837, même jour.
  3. Ib., ib., 965. Lettre à M. de Vaucresson, 20 mai 1711.
  4. Ib., ib., 911, 31 octobre 1711.
  5. Ib., F, 251, p. 173.
  6. Moreau de Saint-Méry, II, 429.