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dans les bois, mais ils viennent voler sur les grands chemins et jusque sur les habitations, et ils assassinent les maîtres. « Ils souffrent la roue et le feu sans dire un seul mot, — écrit M. de Machault[1], — et même un des deux (exécutés) exhortait les nègres à faire comme lui pour se rendre les maîtres de la Martinique ». Ils connaissent des herbes dont le suc efface l’impression de la fleur de lys, et, en mettant un mouchoir autour de leur tête, ils cachent le défaut de leurs oreilles coupées. « Comme la cause de leur libertinage est de courre les négresses… il vaudrait mieux leur couper le bout du nez pour les rendre difformes ; les Anglais les font eunuques pour les rendre sages malgré eux et ne jugent pas que ce soit un grand mal que cette nation ne se multiplie pas. » Aussi de Machault demande-t-il si le roi veut approuver cette peine au lieu de la peine de mort. Dans une autre lettre, écrite peu de temps après[2], et qui n’est guère que la répétition de la précédente, il affirme que les nègres marrons ont enlevé des hommes et des femmes sur les grands chemins pour les manger. Le Ministre répond à M. Begon[3] au sujet des propositions faites au roi : « M. de Machault m’écrit que leur débauche pour les femmes contribuant plus que toute autre chose au libertinage, il estimerait plus à propos d’en user ainsi que les Anglais en les faisant eunuques… Vous examinerez ce que vous estimez plus convenable… et ensuite s’il n’y a rien dans les lois de l’Église qui soit contraire à cette disposition. » Puis, un mois après[4] : « Le roi n’a pu se déterminer à entrer dans la proposition de convertir la peine de mort qui a été ordonnée contre les nègres fugitifs pour la troisième fois en celle de les rendre eunuques, et Sa Majesté s’est déterminée à laisser subsister l’ordonnance de 1685. »

  1. Arch. Col., C8, 15. Lettre du 12 juin 1704.
  2. Ib., ib., 3 juillet 1704.
  3. Ib., B, 26, 22 avril 1705.
  4. Ib., Col. en général, XIII, F, 90, 27 mai 1705.