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française, il n’est que juste de le dire, les serviteurs de Dieu sont toujours et partout partis en avant pour porter au loin, avec les principes de la religion chrétienne, le renom et l’amour de la France. Ceux qui s’expatrient sont, en général, gens à l’esprit pratique et délié qui, tout en servant Dieu par leur propagande, croient aussi travailler à sa gloire en s’occupant des intérêts matériels de leur ordre. Ils se font au besoin médecins, architectes, ingénieurs, suivant les nécessités du moment ; en tout cas, ils s’entendent à merveille à faire fructifier leurs propriétés ; et, par surcroît, comme le P. du Tertre et le P. Labat, ils emploient leurs loisirs à nous retracer l’histoire des événements auxquels ils ont participé.

« Au-dessous de cette double aristocratie de naissance et de profession, ou plutôt à côté d’elle, car les distinctions de la métropole se perdaient aux Antilles dans la fusion de toutes les classes blanches[1], venait l’élément bourgeois avec sa consistance héréditaire, son esprit de prudence et de patience pratique, sa laborieuse persévérance et sa bienfaisante parcimonie[2]. » Sans doute, ces bourgeois, qui se décidaient à partir, n’étaient pas de ceux qui étaient déjà parvenus à une brillante situation. Plus d’un ne se lança hors de la mère-patrie qu’à la recherche de la fortune, introuvable pour lui jusque-là ; les privilèges entravaient celui-ci ; cet autre voyait peut-être la banqueroute imminente. Ici encore il est inutile de trop approfondir.

Enfin, en dernier lieu, viennent les engagés, qui se recrutaient un peu partout et n’importe comment. Ils étaient ou volontaires ou forcés. Les premiers comprenaient des gens

  1. C’est ce que dit Du Tertre, II, 471 : Pas de différence entre noble et roturier ; les officiers seuls tiennent rang ; autrement, les richesses créent la seule distinction. — Un arrêté du Conseil supérieur du Cap, du 21 février 1754, ordonne l’enregistrement des titres de noblesse de la famille Mol de Kjean, après la lettre d’attache du Ministre. Ce sont les premiers titres de noblesse qui aient été enregistrés. Moreau de Saint-Méry, IV, 139.
  2. P. Leroy-Beaulieu, loc. cit.